Être entièrement inoffensif ne peut être qu'un idéal à suivre

 


J'ai passé ma deuxième retraite des Pluies en tant que moine à Wat Pah Nanachat à Ubon. Une nuit, après une forte pluie, je me suis réveillé et j'ai découvert que mon kuti avait été envahi par des fourmis. À la lumière de ma torche, j'ai constaté que mon corps était couvert de centaines de fourmis. Heureusement, il ne s'agissait pas des vicieuses fourmis piqueuses ‘motlin’, elles étaient bien plus petites et se contentaient de courir à l'aveuglette, mais la sensation de démangeaison était intense. J'ai tâtonné pour allumer ma lampe à pétrole, puis j'ai utilisé le balai souple et doux pour enlever délicatement les fourmis de mon corps. Cela a pris beaucoup de temps. J'ai fait de mon mieux pour ignorer les démangeaisons et sauver autant de vies que possible. Néanmoins, beaucoup de fourmis sont mortes. Ce fut une bonne leçon pour moi : même pour un moine bouddhiste, être entièrement inoffensif ne peut être qu'un idéal à suivre. La perfection de sīla n'existe pas dans ce monde imparfait et chaotique. Le précepte de ne pas prendre la vie est une norme à respecter, un objet constant de la pleine conscience. Mais s'il existe une pureté de sīla concernant ce précepte, elle ne se trouve que dans le fait d'honorer le précepte, de le placer au-dessus de l'inconfort physique, voire du danger, et de vivre l'idéal de l'innocuité aussi bien que l'on peut.

Ajahn Jayasāro
24/08/24