Distinguer les déclencheurs et les causes



Un après-midi, il y a de nombreuses années, alors que je balayais les feuilles dans la zone centrale de notre monastère, j'entendis des cris perçants provenant de la section des femmes. J’ai alors pensé qu'il devait s'agir de la femme laïque atteinte d'un cancer, qui venait d'arriver. Avec un autre moine, je me suis précipité pour voir ce qu'il se passait.

Je craignais qu'elle n'ait été mordue par un serpent venimeux. Lorsque nous arrivâmes devant la hutte de la femme, elle se tenait debout, un bras levé en l'air, sanglotant de frayeur. Je regardai sa main de plus près et je vis une seule fourmi rouge cramponnée à l'un de ses doigts.

Ma première réaction fut d’être soulagé. Puis j'eus envie de rire. Ces fourmis rouges étaient omniprésentes dans la forêt et tout à fait inoffensives. Mais je réussis à me calmer et à éviter d'embarrasser cette femme. Une autre laïque arriva et retira délicatement la fourmi. Je lui suggérai de boire une tasse de thé pour se calmer.

 Nous ne pouvons pas toujours comprendre la réaction émotionnelle d'une personne à partir de son déclencheur immédiat. Cette femme avait vécu une vie très confortable en ville. C'était probablement la première fois qu'elle était piquée par une fourmi. Lorsqu'elle fut piquée, toute la peur de la douleur et de la mort suscitée par le diagnostic de son cancer se libéra soudainement. Pour moi, ce fut un enseignement mémorable : distinguer les déclencheurs et les causes. Considérez la douleur subjective de la personne et non le fait que vous pensiez ou pas qu'elle aurait dû réagir d'une autre manière.

 Ajahn Jayasaro
 21/3/23