Le dialogue intérieur


Il existe un aspect souvent négligé de la culture de la pleine conscience de la parole. Il s'agit du discours intérieur avec lequel nous encadrons notre expérience et lui donnons un sens. Les mots que nous utilisons et les concepts qu'ils expriment peuvent affecter l'esprit plus fortement qu'on ne le pense.

Prenez le mot " trop ". Ce mot a la fonction importante d'exprimer l'idée qu'une cause ou un état actuel des choses n'est pas en accord avec un objectif ou une norme. Par exemple, nous pouvons dire que nous conduisons trop lentement pour arriver à destination à l'heure convenue ; ou qu'une structure est trop faible pour supporter une charge estimée. Mais un mot utilisé erronément peut avoir un effet néfaste important sur notre esprit. Prenons l'une des phrases utilisées pour justifier de ne pas méditer : "Je suis trop fatigué", "Je suis trop agité", "J'ai trop faim", "J’ai trop mangé", "Il fait trop chaud", "Il fait trop froid", "Il est trop tôt", "Il est trop tard".

Ici, le petit mot "trop" donne à la raison de ne pas méditer une puissance imméritée. Notre patience est minée par ce mot. Mais avec la pleine conscience établie, nous pouvons voir que dans ce contexte, "trop" ne signifie pas inapproprié ou inadéquat ; il signifie inconfortable ; nous voulons dire "je me sens inconfortablement fatigué", "il fait inconfortablement froid". En reconnaissant que le mot "trop" masque des réactions aveugles à l'inconfort, la nécessité de la patience, ‘l'incinérateur suprême de la souillure mentale', devient claire.

Ajahn Jayasāro
05/11/22