La paix de la vue claire


 


Hier, j'étais assis avec un autre moine dans le pavillon au toit de paille de mon ermitage. Une pluie fine tombait et il régnait une température fraîche et agréable. Regardant vers le Sud, derrière le grand bouddha de pierre bagué de son étang de fleurs de lotus, les pics de Khao Yai se détachaient sur le ciel ennuagé.

Soudain, un mouvement inhabituel devant le bouddha a attiré mon regard. Je me suis levé, et j'ai marché vers lui. En me rapprochant de l’étang de lotus, je me suis rendu compte que l’objet de mon regard était un cobra royal avec une grande grenouille entre les mâchoires. La grenouille était sous le choc. Elle luttait un peu, mais son effort semblait résigné, sans conviction. Elle savait qu’il était trop tard, que son temps était venu. Aussitôt, le serpent est retourné dans son nid au pied de l’arbre, son trésor à la bouche. Nous deux moines, avons repris notre conversation.

Il y a une sorte de paix qui résulte de fermer les yeux devant la vulnérabilité et l'insécurité de nos vies. Mais il y a une paix plus belle qui consiste à ouvrir les yeux à la nature des choses. Nous ne luttons pas contre la vérité, nous acceptons que nous sommes des grenouilles et qu’il existe des cobras ; que c’est dans l’ordre des choses. Chaque moment est significatif, car il pourrait bien être le dernier.

Ajahn Jayasāro 11/09/21